DES RENDEZ-VOUS
 

Conférences :
* 24 Octobre 2008, La Londe-les-maures, 83, Université d'automne du SNUIPP
* 1er Avril 2009, Nice, Observatoire de l'enfance
* 13 Mai 2009, Dijon

 
 

LE SUIVI PROG EN ZEP
.
 


PLAN

1°) Hypothèse de départ et résultat global

2°) Récit des actions de 2000 à 2006

3°) Comparaisons des écarts aux scores nationaux de l'évaluation CE2
en septembre 2000 et en septembre 2006

3.1. Informations données par l'évaluation CE2
en septembre 2000 (avant le suivi)
3.2. Informations données par l'évaluation CE2
en septembre 2006

4°) Bilan

Bibliographie

1°) Hypothèse de départ et résultat global

A la suite de la publication de la recherche INRP PROG (Brigaudiot 2000) une formation - recherche a été menée dans 2 écoles maternelles en ZEP région parisienne. L'hypothèse était la suivante : avec des acquis sur le langage et sur l'écrit, profonds (niveau des représentations de l'écrit et non pas de simples savoir-faire), et consistants (enfants devenus autonomes dans leurs usages de l'écrit), alors peu importe l'enseignement du CP, les enfants gardent leurs acquis.
Le projet précis d'évaluation n'a pas pu être conduit.
Seuls les évolutions en terme d'écart aux scores de français à l'évaluation CE2 sont donc présentés ici, en comparaison 2000-2006. Les précautions d'usage s'imposent :
- on sait que les protocoles d'évaluation ne sont pas passés dans les mêmes conditions, d'une classe à l'autre,
- on sait que les corrections des items ne sont pas complètement fiables,
- on sait que les épreuves ont changé entre 2000 et 2006, c'est pourquoi nous ne regardons pas les scores mais les écarts aux résultats nationaux,
- on sait que le petit nombre de classes et le petit nombre d'enfants empêchent toute exemplarité et exclut toute valeur de preuve de ce travail,
- cependant, ce travail a le mérite d'exister en longitudinal, sur 6 ans, alors que les travaux équivalents, en France, portent sur 2 voire 3 ans, à partir de la GS.

L'hypothèse générale n'est pas vérifiée car seule une cohorte sur les deux (groupes d'enfants suivi de la PS au CE2) montre de réels progrès entre les écarts à l'évaluation 2000 dans l'école à laquelle ils appartiennent et les écarts de cette même école en 2006. Pour cette école, le résultat est un véritable succès puisqu'il s'agit de l'école la plus défavorisée en terme de recrutement. Les résultats de la seconde cohorte sont à considérer comme un échec et nous en analysons quelques origines dans le bilan.

2°) Récit des actions de 2000 à 2006

1999-2000
Au vu de résultats extrêmement bas aux évaluations CE2, l'inspectrice de la circonscription me fait une commande de FC " langage " en terme de stage d'école maternelle en ZEP pour l'année suivante. Le but est de travailler en amont du cycle 2.
Je décide de " refaire " la recherche PROG, hors institution, mais cette fois-ci en ZEP parce que je n'avais suivi réellement une cohorte qu'en milieu favorisé (Sèvres). Les données ZEP venaient d'autres groupes de l'équipe nationale INRP (Massy, Amiens, Toulouse).

Je rencontre les écoles maternelle de la ZEP en leur expliquant le projet :
- ma présence 1 jour / semaine dans une classe, avec prise de notes, remarques écrites ou orales sur ce qu'il faut garder, multiplier, revoir, abandonner + remarques individualisées sur les enfants
- le démarrage en PS et le maintien des mêmes élèves lors des passages en MS et en GS (cohortes)
- une FC chaque année pendant 2 fois 1 semaine, centrée sur le niveau du suivi hebdomadaire.
Seul but de l'opération : améliorer les résultats en français à l'évaluation CE2 2006 puisque les enfants de PS en septembre 2001 seraient en CE2 en 2006.

L'hypothèse générale était : quand des acquis sur le langage et sur l'écrit sont solides et consistants, alors peu importe l'enseignement du CP, les enfants gardent leurs acquis. Et TOUS les enfants peuvent réussir ces apprentissages de base, même en milieu très défavorisé.

Deux écoles maternelles, appelées ici 1 et 2, sont volontaires.
A la maternelle 1 correspond l'élémentaire 1.
A la maternelle 2 correspondent l'élémentaire 2A et l'élémentaire 2B.

2000-2001


Année préparatoire au travail. Première formation continue de 2 fois 1 semaine avec les maîtres volontaires des 2 maternelles, les conseillers pédagogiques et une IMF retraitée, connaissant bien les écoles de la commune, qui s'intègre au projet (nous l'appellerons " maître supplémentaire ").
Durant le stage,
- on pose les bases théoriques de l'enseignement centré sur les apprentissages (progressivité), la place du langage, la confiance des maîtres, leurs attitudes modulées en fonction des " zones " des enfants (démarche PROG).
- on analyse l'évaluation CE2. Les résultats les plus bas touchent l'école 1 en compréhension. On sélectionne 10 items de compréhension à titre d'évaluation pour 2006. Il faudra les faire passer aux CE2, notamment de la cohorte, pour savoir de combien on a réduit l'écart au score moyen national.

2001-2002


Le nouvel inspecteur accepte le déroulement du travail comme prévu.
Le travail commence dans les petites sections avec suivi hebdomadaire et, dans l'école 1, aide du maître supplémentaire. Les 2 semaines de stage portent sur l'accueil en PS, les objectifs langagiers prioritaires de la PS, la liaison avec la crèche, l'organisation des emplois du temps-type, une nouvelle manière de travailler en regroupement. Les directrices sont parti prenante. A la deuxième semaine, les maîtres de MS futurs accueilleurs sont invités.
On introduit une nouveauté : les messages entre classes.
Les maîtres commencent à intéresser les enfants à l'écrit. Ils valorisent les enfants fragiles.
Dans chaque PS, un classeur qui reste dans la classe, est tenu à 3 personnes: le maître de la classe, l'enseignant supplémentaire, le chercheur. On y trouve les projets du maître concernant la maîtrise du langage et de la langue, des notes sur des déroulements, des notes sur des comportements d'enfants, des évaluations, des transcriptions de séances faites par l'un des observateurs, des indications de réajustement. C'est la mémoire de la cohorte que l'on passe au maître suivant.



2002-2003


Suite du travail avec les MS.
Les maîtres des écoles commencent à " tourner " davantage durant les stages. Sur volontariat, ils organisent, de fait, des pratiques de cycles. Le fait que tout le monde s'intéresse à un seul niveau et connaisse nominativement les enfants à aider joue un rôle important.
A la deuxième semaine, les maîtres de GS futurs accueilleurs sont invités.
On introduit 3 nouveautés dans les pratiques : les essais d'écriture, la dictée à l'adulte et un véritable travail de compréhension sur des albums bien ciblés.
Les enfants en retrait ou en danger font l'objet d'actions spécifiques des directrices (énième conseil de consultation au CMP donné aux parents, rendez-vous médecine scolaire).

2003-2004


Suite du travail avec les GS.
Les maîtres s'organisent pour venir dans les stages à tour de rôle.
A la deuxième semaine, les maîtres de CP et les collègues de RASED futurs accueilleurs sont invités. On présente la pratique "Première maîtrise de l'écrit " aux maîtres.
Des évaluations en encodage (principe alphabétique) et compréhension d'histoire lue sont faites régulièrement. L'enseignante supplémentaire continue ses interventions d'aide en classe dans l'école 1 et fait régulièrement le point avec l'enseignant.

Effectif cohorte 1 après déménagements et resectorisation scolaire : 22
Effectif cohorte 2 après déménagements : 23


2004-2005


Les cohortes passent en CP.
Une T1 qui a été PE2 avec moi en français est nommée à l'élémentaire 1 et elle accueille la cohorte 1 en CP, avec la démarche "Première maîtrise de l'écrit " (Brigaudiot 2004).
Après avoir assisté à un après-midi de CP dans l'école 1, la nouvelle inspectrice m'explique son désaccord total pour ce travail. Je décide de ne plus aller dans les écoles afin de ne pas mettre les enseignants en position délicate.
L'enseignante supplémentaire continue ses interventions régulières en classe de CP auprès des enfants "en retard" (pas de découverte du principe alphabétique).

Fin CP
En fin d'année, je passe voir les maîtres de CP dans les 3 écoles élémentaires. Je leur montre la liste des enfants des cohortes et leur demande, sans note sous les yeux, de me dire où en sont ces enfants dans le lire-écrire.

Première donnée, les cohortes :
- dans l'école 1, la cohorte GS - 3 enfants correspond à un seul CP 1,
- la cohorte 2 est ainsi éclatée : 5 et 4 élèves dans chacun des 2 CP 2A, 2 ou 3 élèves dans chacun des 3 CP2B (total : 5 classes). L'explication vient de la zone de recrutement des écoles élémentaires 2A et 2B : à l'époque, elles accueillaient des élèves de 2 écoles maternelles, l'une très défavorisée et l'autre plutôt favorisée. Le " mélange " des élèves a été fait dans un souci de mixité de la population scolaire.

Deuxième donnée, les discours des maîtres :
- la maîtresse de CP 1 passe ses élèves en revue en restant sereine et confiante ("c'est bon, c'est bon, c'est très bon… elle, elle démarre, c'est bon, alors lui, il vient de découvrir le principe alphabétique, on l'a pas lâché, mais il reste fragile, je lui ai dit qu'il passait en CE1 et qu'on allait continuer à l'aider").
- plusieurs des maîtresses des CP2 tiennent des discours négatifs, d'une part sur la recherche ("je n'ai rien à dire, les recherches n'apportent jamais rien, ça n'aide pas les enfants de milieu défavorisé. la preuve, j'ai eu la sœur de Nesrine dans ma classe et elle, elle suit le même chemin"), d'autre part sur le niveau des enfants ("c'est nul, c'est très bas, c'est très bas, alors là très bon c'est une fille d'enseignante, …, , "j'ai 2 enfants lecteurs de ce groupe, les autres ont une lecture lente et ne comprennent pas ce qu'ils lisent").

Devant ces discours, on décide, avec l'enseignante supplémentaire des choisir, sans en parler aux maîtres de CE1, 11 enfants " tests " de l'école 1 dont on regardera les résultats à l'évaluation CE2.
Ces 11 enfants sont tous :
de milieu familial défavorisé, issu de l'immigration ou pas, bien intégré ou pas : parent(s) chômeur(s) ou CSP4, ou absence de maman (on verra Djangou, enfant de famille nombreuse dont la maman est restée en afrique)
et / ou de milieu familial défavorisant, issu de l'immigration ou pas, mais toujours mal intégré : quelques familles exprimant régulièrement, devant les enfants, leur "honte" de vivre dans ces quartiers.
Par ailleurs, ces 11 enfants se répartissent ainsi par rapport aux activités en langage oral et écrit :
- 3 enfants " en difficulté " dès la PS
- 4 enfants " à surveiller " dès la PS ou à partir de la MS
- 4 enfants " très performants " dès la PS ou à partir de la MS.

2005-2006


Les enfants sont en CE1.
Un maître T1, que j'ai eu en formation de français en PE2 est nommé dans l'école 1. Il prend la cohorte en CE1.


L'évaluation CE1
Je n'ai eu connaissance des résultats de cette évaluation que dans l'école 1.

Ces résultats sont très encourageants.

2006-2007


Les enfants sont en CE2.
Parallèlement, l'inspectrice refuse le projet pédagogique de l'école 1, entièrement centrée sur la démarche PROG-PME, refuse à la maîtresse de CP 1 d'accueillir des PE2, me refuse la possibilité de mener l'évaluation à partir des items 2000 comme c'était prévu.
Avec l'enseignante supplémentaire, on procède, comme on peut, à l'évaluation de ce travail.

3°) Comparaisons des écarts aux scores nationaux de l'évaluation CE2

3.1. Informations données par l'évaluation CE2 en septembre 2000 (avant le suivi)

Tous les scores mentionnés à partir d'ici ont été donnés par le logiciel de traitement.


Tableau des résultats de l'évaluation nationale CE2 - 2000 en français


Tableau des écarts par école à la moyenne nationale dans l'évaluation CE2 - 2000 en français


L'école élémentaire A a les scores les plus bas des 3 écoles.
Le domaine prioritaire à travailler est la compréhension, surtout dans l'école 1.

Remarque sur la reconnaissance de mots (12 des 42 items " Outils de la langue ") c'est-à-dire la compétence spécifique à la technique de lecture.



Tableau des écarts par école à la moyenne nationale dans l'évaluation CE2 - 2000 en français,
sur les 12 items " reconnaissance de mots "


La reconnaissance de mots est plutôt bien assurée, assez proche des résultats nationaux.
L'écart le plus important reste dans l'école 1.


3.2. Informations données par l'évaluation CE2 en septembre 2006

Résultats nationaux Evaluation CE2 2006


Le niveau national a légèrement " baissé " par rapport à 2000.

Voici le tableau faisant apparaître les résultats généraux. Ce sont les écarts des scores globaux français de chaque école par rapport aux résultats nationaux, et de chaque cohorte


L'école 1 a progressé. La cohorte 1 a des résultats presque 3 fois supérieurs à l'école !
L'école 2 A n'a pas bougé. La cohorte 2 A est plus de 2 fois moins performante que l'école !
L'école 2 B a légèrement amélioré son score. La cohorte 2 B est un peu plus performante que l'école.
On a donc des résultats très contrastés, avec, d'un côté l'école 1, et de l'autre, les écoles 2 A et 2 B.

Nous proposons de regarder à nouveau le domaine " reconnaissance de mots " eu égard aux critiques particulières de l'inspectrice pour les pratiques des maîtres formés par cette action, dans ce domaine.


Tableau des écarts à la moyenne nationale dans l'évaluation CE2 - 2006 en français,
sur les 9 items " reconnaissance de mots " dans chaque école

Les résultats de l'école 1 n'ont pas bougé (légère amélioration).
Ceux des écoles 2A et 2B ont baissé de 7 et 4 points respectivement.
On remarque que dans ce domaine " reconnaissance de mots ", l'école 1 n'est plus la dernière des 3 écoles, elle a rattrapé son "retard".

Voici les résultats de chacune des cohortes, en scores par domaine, en score moyen, en écart par rapport à leur école, en écart par rapport aux scores nationaux et en écart par rapport au score national ZEP.

Résultats cohorte école 1 en 2006 (15 enfants)


Résultats évaluation CE2 2006 des 15 enfants dits " cohorte 1 " et écarts

Remarques :
Il n'y a pas eu de redoublants dans cette cohorte.
L'écart cohorte / école (+ 8,7). est calculé à partir des résultats de l'école y compris la cohorte. Or les scores des 15 enfants de cette cohorte sont supérieurs à ceux de l'école, dans tous les domaines. On peut penser que les résultats de la cohorte font monter les résultats de l'école. Par ailleurs, les résultats des enfants de la cohorte sont nettement contrastés : 2 enfants sont brillants (scores de 90 et plus), 6 enfants sont très performants (autour de 70), 5 enfants ont des scores honorables (entre 50 et 70) et 2 ont de basses performances (40). On a un groupe de profil " ZEP " aux performances très éclatées, à la différence près qu'aucun enfant n'a de score très bas comme on le verra pour la cohorte suivante.

Enfin, 4 autres enfants de cette cohorte ont fait leurs CP-CE1 dans une autre école à population très peu performante et ils ont de hauts scores à l'évaluation 2006.
Dernières remarques,
- à propos du domaine " compréhension de l'écrit " sur lequel avaient porté tous les efforts : l'écart de l'école 1 au résultat national était de - 20,5 en 2000 et l'écart de la cohorte 1 au résultat national est de - 9,8 en 2006.
- à propos du domaine " reconnaissance de mots ", l'écart est passé de - 7,6 à + 1,7 pour cette cohorte. Il n'y a pas l'ombre d'un doute quant aux bonnes performances de ces élèves.

Que sont devenus les 11 enfants - tests dans cette cohorte 1?
Sur le total, après déménagements, il ne reste que :
- 2 enfants " en difficulté " dès la PS (Mohamed et Djangou)
- 3 enfants " à surveiller " dès la PS ou à partir de la MS (Manel, Rachid et Merwan)
- 2 enfants " très performants " dès la PS ou à partir de la MS (Audrey-Anne et Nora).
Total : 7 enfants dont voici les scores en français à l'évaluation CE2 en 2006 et les écarts aux résultats nationaux.

Certes, ce si petit nombre ne représente aucune tendance. On remarque cependant que les enfants jugés très performants dès la PS sont très performants en CE2, que les enfants jugés " à surveiller " dès la PS ont des performances basses mais honorables en CE2. Les enfants jugés en grande difficulté en PS ont progressé : l'un des deux a décollé spectaculairement (Djangou) alors que le second reste en difficulté (Mohamed), même s'il n'a pas redoublé et que son score (43) est nettement supérieur à celui de l'élève le plus faible de la classe (12).

Résultats cohorte école 2A en 2006 (9 enfants)


Résultats évaluation CE2 2006 des 9 enfants dits " cohorte 2A "
Remarques :
Il n'y a pas eu de redoublants dans cette cohorte. Les scores des 9 enfants de cette cohorte sont inférieurs à ceux de l'école, dans tous les domaines. L'écart cohorte / école est important (- 6,6). Par ailleurs, les résultats des enfants sont moins contrastés (1 enfant est très performant avec un score de 86, 3 enfants ont un score autour de 77, 3 ont des petits scores autour de 50 et 2 enfants sont très bas avec des scores de 36.

Résultats cohorte école 2B en 2006 (10 enfants -2 redoublants)


Résultats évaluation CE2 2006 des 8 enfants dits " cohorte 2B "

Remarques :
Il y a eu 2 redoublants en CE1 dans cette cohorte. Les causes ne sont pas très claires. Par exemple, pour Andy.
Andy avait compris le principe alphabétique en GS (il trace lBOVRDO pour " le beau ver dodu ") mais s'exprime difficilement. Il déchiffre difficilement en CP, d'après sa maîtresse, mais passe en CE1.
En revanche, on remarque que Victor, jugé en très grande difficulté dès la PS, et qui n'a pas découvert le principe alphabétique en fin de GS, n'a pas redoublé (sa mère aurait refusé le redoublement). Mais il parlait bien.
Les performances en expression orale semblent jouer fortement dans les redoublements, peut-être plus que certains savoir-faire d'ordre cognitif moins " visibles ".

Les scores des 8 enfants de cette cohorte sont supérieurs à ceux de l'école, dans tous les domaines. L'écart cohorte / école n'est pas important (+ 1,6). Par ailleurs, les résultats des enfants sont homogènes pour 6 d'entre eux (autour de 63) et pour les 2 autres enfants, l'un est très performant (96,8) et l'autre très peu performant (40,9).

Nous avons essayé d'affiner l'état des 3 écoles en fonction des résultats de l'évaluation 2006. Nous nous demandons comment se répartissent les scores des enfants.

Tout se passe comme si les écoles 2A et 2B, " homogénéisaient " les performances des élèves. Et sans doute sans le savoir. Elles n'ont, en effet, pas d'enfant à très basse performance.


4°) Bilan de l'aventure

L'examen de ces données chiffrées invalide l'hypothèse de départ :
non, tous les enfants ne garderaient pas leurs acquis de maternelle, quelles que soient les pratiques d'enseignement en CP-CE1.

En effet, si la cohorte 1 montre à l'évidence que des bénéfices importants sont constatés par rapport à l'école lorsqu'elle arrive en CE2, par rapport au score moyen national et par rapport au score national ZEP, ce n'est pas le cas dans les 2 autres écoles.
Dans l'école 2A, les performances des enfants de la cohorte sont inférieures à celles de leurs camarades d'école, à celles du plan national et à celles du plan national ZEP.
Dans l'école 2B, les performances de la cohorte sont légèrement supérieures sur les 3 plans mais il y eu 2 redoublants en CE1.
On pourrait penser que le milieu socio-économique est tout simplement plus favorable dans l'école 1. Or c'est tout l'inverse : cette école appartient à la zone la plus pauvre de Gennevilliers alors que les écoles 2A et 2B accueillent des enfants moins défavorisés (politique municipale de restructuration et rénovation du quartier, accès à la propriété…).
Il faut donc envisager une autre explication.

Quatre facteurs non-négligeables caractérisent l'école 1 par opposition aux écoles 2 :

1°) les maîtres qui ont accueilli la cohorte de l'école 1 en CP et en CE1 avaient suivi la même formation que les maîtres de la maternelle. C'est dire que l'enseignement a été cohérent (logique du point de vue des enfants) pour ces élèves pendant 5 ans : classe centrée sur les activités langagières des enfants, refus de les mettre en activité sur des éléments linguistiques décontextualisés en début de CP, activités permanentes d'encodage et d'écriture, activités fortes de compréhension d'écrit, survalorisation de la métacognition, valorisation des moindres progrès de chacun dans une ambiance sans aucune concurrence entre enfants, bien au contraire.
La question peut se poser dans la non-cohérence ou de l'incohérence vécue par les autres élèves de CP : non-cohérence si on leur fait faire des activités inconnues (ex : déchiffrage de phrases décontextualisées, ce qui met en échec les plus fragiles) ou incohérence si les activités proposées vont à l'encontre de ce qu'ils ont appris (ex : pour écrire, ils ont appris à " se servir de leurs oreilles ", si on leur demande soudain de n'utiliser que leurs yeux pour copier des morceaux d'écrit, ils peuvent ressentir une incohérence).

2°) l'école 1 a conservé les enfants en cohorte, ce que n'ont pas fait les écoles 2. On peut penser que cette sorte de " famille "-classe avait pris une confiance qui a joué un rôle particulièrement positif.
Sur ce facteur " cohorte ", je ne connais aucune recherche. Depuis des années, je dis que la connaissance des enfants entre eux, liés par des pactes autour des mêmes apprentissages (par exemple, quand les maîtres font des évaluations transversales et montrent des " états de savoir " différents à l'ensemble de la classe, en soulignant, soit que les différentes procédures sont toutes des avancées, soit qu'on va tous se mettre à aider tel ou tel copain parce qu'il ne démarre pas) joue un effet positif. Et j'ajoute que le fait de scinder les groupes chaque année, comme ça se fait majoritairement dans les grosses écoles, joue en négatif : les enfants se découvrent, se testent, rejouent chaque année la concurrence et peuvent aller jusqu'à s'affronter. D'ailleurs, l'effet " cohorte " n'est peut-être pas à évacuer dans les bons résultats obtenus en milieu rural (Oeuvrad 1993, Leroy-Audoin & Mingat 1996), là où des cohortes restent stables sur des suites de cycles. Les notes sur ces bons résultats mettent toutes l'accent sur un effet bénéfique du mélange d'élèves de niveaux et cycles différents, ce qui est certainement le cas. Mais on oublie la dimension humaine que pour ma part, j'évoque avec force.


3°) l'enseignant supplémentaire intervenant déjà en maternelle a poursuivi son travail d'aide individualisée, dans les classes de CP-CE1, sans jamais lâcher les enfants les plus fragiles ou en difficulté. Par ailleurs, d'autres membres de l'éducative (directeur, maître de soutien) ont montré une extrême vigilance pour ces mêmes enfants. On peut qualifier cet enseignement en élémentaire de cohésif (soudé, solidaire), dans un climat de grande confiance.

4°) eu égard aux discours des maîtres, d'une part de l'école 1, d'autre part des écoles 2a et 2B, on peut se demander si le crédit accordé par les enseignants aux capacités de réussir pour des enfants, même pauvres, même avec une fratrie qui a échoué scolairement, même dans une famille non-francophone, etc, n'est pas un facteur déterminant. On a vu l'homogénéisation des résultats des écoles 2a et 2B : or depuis de nombreuses années, nous souhaitons poser clairement qu'une politique de lutte contre l'échec solaire, dans une école, ne consiste pas à " réduire les écarts ", comme on l'entend souvent. C'est le cas si aucun enfant n'a de score inférieur à 30. Cela signifie que s'il y en avait, ils ont été exclus (redoublements puis orientation dans le spécialisé ou changement d'école). Nous pensons qu'il faut viser les progrès de TOUS les élèves, ce qui est très différent. Car dans ce cas, les écarts entre l'enfant le plus performant et l'enfant le moins performant restent, mais le moins performant a beaucoup progressé, ce qui n'aurait pas été le cas dans un autre contexte. En d'autres termes, nous faisons en sorte d'empêcher les écarts de se creuser.

Une seconde hypothèse apparaît donc :
Lorsque des maîtres ont une attitude cohérente (logique de contenus) et cohésive (équipe soudée autour de la volonté de faire progresser tous les enfants, sans relâcher les efforts, parce qu'ils leur font confiance) et qu'ils se donnent des moyens de mettre en œuvre cette politique (maître supplémentaire et groupe-classe maintenu) sur 2 cycles, alors tous les enfants progressent de manière spectaculaire.
On pourrait ajouter que la présence de l'enseignant supplémentaire a joué un rôle de valorisation du travail de l'équipe, qui a besoin d'être reconnue pour ne pas baisser les bras.

Nous faisons l'hypothèse d'un " effet boule de neige " avec ces 4 facteurs.
Et nous insistons sur la durée de l'action, à partir de la comparaison qui suit.

Nous mettons en regard de cette étude les résultats obtenus par Jacques Fijalkow dans la région toulousaine. Celui-ci a participé à des actions de formation continue durant de nombreuses années avec l'objectif de mise en place de la démarche ECLEC (Ecriture Lecture) en GS et en CP. Cette démarche vise à faire appartenir les enfants à la communauté culturelle de l'écrit : elle refuse les manuels de lecture, permet l'usage de vrais écrits, aborde lecture, système orthographique et grammaire par l'écriture et la lecture.
Fijalkow a fait appel à une équipe de psychologues expérimentaux (Le Bastard & Suchaut 2000) pour mener une évaluation scientifique des effets :
1- de la démarche ECLEC en GS, sans suivi ensuite en CP (81 enfants),
2- de la démarche ECLEC en GS et en CP (78 enfants),
3- de la démarche ECLEC en CP seulement (208 enfants),
4- d'enfants n'ayant pas bénéficié de la démarche ECLEC, ni en GS, ni en CP (383 enfants).
Le chercheur a le soutien des inspecteurs de circonscription et de l'Inspecteur d'Académie.

Les résultats des évaluations en début et fin de CP montrent que:
- les résultats des élèves ECLEC GS (groupe 1) sont supérieurs à ceux des élèves non-ECLEC GS,
- les résultats des élèves ECLEC CP (groupe 3) sont supérieurs, mais seulement dans certains items, à ceux des élèves non-ECLEC CP,
- un effet positif d'une démarche suivie aux 2 niveaux (résultats groupe 2 supérieurs à ceux de 1)
- mais un effet très significatif ECLEC-CP (résultats groupe 3 par rapport à rapport à groupes 1, 2 et 4).
Les pratiques de CP apparaissent donc décisives dans toutes les recherches.

On remarquera également que l'on retrouve le facteur "cohérence" dans la recherche de Fijalkow. En effet, les démarches PROG-PME et ECCLEC sont différentes et donnent toutes deux, de bons résultats. Les différences se jouent sur certaines zones fines relatives aux compétences à l'écrit. Par exemple, les élèves ECLEC ont de basses performances en copie, contrairement aux élèves PME, mais ils ont de très hautes performances en connaissance du livre que n'ont pas les autres.
Nous pensons que l'enjeu n'est pas d'adopter une démarche-miracle pendant 5 ans, mais de faire en sorte, pour les maîtres de CP, de prendre en compte les savoirs-faire des enfants construits en maternelle, les conduire sur le même chemin comme une suite de ce qu'ils ont acquis, et le leur dire régulièrement.

Par ailleurs, les chercheurs chargés d'évaluer ECLEC ont mis à jour des variables caractérisant les pratiques pédagogiques et susceptibles d'avoir un impact positif vs négatif. Parmi ces caractéristiques,
- l'affichage au mur de syllabes est la caractéristique la plus fortement corrélée aux basses performances des élèves
- le travail de groupe avec tâche individuelle et entraide, et les déplacements des élèves pour aller chercher une information sont les caractéristiques les plus fortement corrélées aux hautes performances des élèves.
Nous retrouvons ici des éléments de nos propres pratiques, toujours liés à la confiance des maîtres pour les progrès des enfants. L'individualisation des aides et la quête de l'autonomie intellectuelle sont les traces de cette confiance. Car, "rien ne garantit jamais au pédagogue qu'il a épuisé toutes les ressources méthodologiques, rien ne l'assure qu'il ne reste pas un moyen encore inexploré, qui pourrait réussir là où, jusqu'ici, tout a échoué " (Meirieu 1989 à propos du " postulat d'éducabilité ").

Enfin, les variables jugées " positives " par l'évaluation de Le Bastard & Suchaut correspondent aux enseignants " novateurs ", par opposition aux enseignants " classiques ". On retrouve ici la notion centrale d'effet - maître qui a sans doute de beaux jours devant elle.

 

Astolfi (2004) écrit :
Le postulat d'éducabilité est ainsi un effet d'ouverture symbolique, en direction de nouveaux " chemins de l'apprendre ", là où règne à l'excès le " réalisme " scolaire. Et l'on sait à quel point ce réalisme, qui croit se borner à décrire l'objectivité des choses, à la vérité en conditionne souvent l'évolution. On retrouve là, les caractéristiques de "l'effet-maître", tel que peut le décrire Alain Mingat: " Au total, la dimension de méthode est faible, l'énergie joue un grand rôle même si on ne sait pas quantifier cette dimension ". .. . " l'énergétique " du maître, c'est peut-être finalement l'essentiel en termes de différenciation. La réussite des élèves dépend peut-être d'abord, comme dirait encore Philippe Meirieu, " d'un regard qui encourage et d'un autre qui vous fige sur place ". L'appel à des références psychologiques, institutionnelles et didactiques, constitue autant de moyens pour concrétiser et nourrir des "effets-maîtres" positifs. "
C'est à ce défi que doit se consacrer la formation des maîtres.

Suchaut (2004) citant Mingat comme précurseur dans l'étude de l'effet-maître:
" Quand il examine de façon globale l'influence de chacun des groupes de facteurs (quartier, école, ancienneté des enseignants, origine sociale des élèves, sexe des élèves nationalité des parents, etc) sur les progressions des élèves au cours de l'année de CP, l'effet-maître explique environ 13% des différences d'acquisition entre élèves en fin de CP, alors que le milieu social, même si lui aussi imprime sa marque, n'intervient qu'à la hauteur de 5%.
C'est ce constat qui a conduit Alain Mingat à affirmer que pour prédire la réussite d'un élève en cours d'année, il valait mieux connaître son maître que son origine sociale. "

Et on commence à avoir des contours de ce que serait un " bon maître " (Mingat 1991, Sanders & Rivers 1996, Le Bastard & Suchaut 2000) en tant que " plus-value " de l'acte d'enseignement, comme disent les scientifiques. Tout nous laisse penser que les élèves de l'école 1, dans notre dispositif, ont fortement profité de l'effet d'une maîtresse de CP tout à fait exceptionnelle.


Bibliographie

Astolfi J-P., 2004. La pédagogie différenciée ou mieux : la différenciation de la différenciation. Document Académie de Créteil, web.

Brigaudiot M., 2004. Première maîtrise de l'écrit, Hachette.

Le Bastard S & Suchaut B., 2000. Lecture-écriture au cycle II : évaluation d'une démarche innovante, Irédu, CNRS-Université de Bourgogne, Cahier de l'IREDU, n°61.

Leroy-Audoin C. & Mingat A., 1996, Les groupements d'élèves dans l'école primaire rurale en France - Efficacité pédagogique et intégration des élèves au collège. Notes de l'Institut de Recherche sur l'économie de l'éducation, n°1, 1-4.

Meireu P., 1989. Itinéraire des pédagogies de groupe, Chronique Sociale, Lyon.

Mingat A., 1991. Expliquer la variété des acquisitions au CP : les rôles de l'enfant, la famille et l'école, Revue Française de Pédagogie, n°95, 47-63.

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Sanders W.L. & Rivers J.C., 1996. Cumulative and residual effects of teachers on future Student Academic Achievement. Knoxville: University of Tenesse Value-Added Research and Assessment Center.

Suchaut B., 2004. Les différences et les inégalités de réussite scolaire : enseignements, portée et utilité des résultats de la recherche en éducation, 4° Université d'automne du SNUIPP, La Londe-les-Maures.





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