D comme... Découverte du monde

Les animaux
 

1°) Le travail dans les écoles

Le suivi de cohortes en ZEP, zone urbaine (Gennevilliers) nous a vite renseignés sur les besoins évidents des enfants dans le domaine " découverte du monde ". Par exemple, alors que des petits passent devant la salle de classe des grands dans laquelle un lapin se déplace en liberté, ils s'arrêtent très étonnés et l'un d'eux s'écrie " un chat !! ". Et un autre enfant enchaîne : " c'est pas un chat, c'est un chien ".
A partir de là, un grand projet " animaux " a été décidé.

La première année, une visite dans une ferme a été longuement préparée. Elle a eu lieu, des photos ont été prises et un long travail de croisements de documents a été ensuite mené : langage et catégorisation (" c'est un X, c'est pas un X même si ça lui ressemble, c'est un Y et son petit "…) ont été les principales activités cognitives. Parallèlement des jouets de type "la ferme " ont été introduits dans les sections de petits : en 3 dimensions, les bâtiments, les personnes, les outils (tracteur, chariot…), les vaches, moutons, chèvres… et les volailles. Les manipulations préférées des enfants consistent à enfermer des groupes d'animaux à l'intérieur de barrières qu'ils ouvrent ensuite pour les libérer, avant de les enfermer à nouveau et ainsi de suite. Vers 2 - 3 ans, on retrouve ici un jeu réversible " brunérien " qui consiste à faire et défaire inlassablement, avec en plus la coloration " famille " (les papas et les mamans sont toujours avec leurs enfants).

La deuxième année, en moyenne section, des activités orales de rémoration ont eu lieu au sujet de cette aventure de l'année précédente. Et l'arrivée de la ferme DANS l'école a été organisée. Il s'agissait de la même ferme que celle qui avait été visitée mais sous forme " itinérante " : il s'agit d'une sorte d'entreprise qui se déplace à partir d'un tarif par enfant. Le monsieur responsable (que nous appellerons Monsieur B car les enfants savaient tous son nom et en parlaient beaucoup) arrivait avec des camions après l'entrée des enfants en classe à 8h30, installait les enclos et les animaux dans la cour de l'école et les enfants pouvaient descendre à partir de 10h30 et profiter des animaux toute la journée. L'événement a été longuement travaillé : une maîtresse de l'école est allée à la ferme pour qu'on lui explique ce scénario en détail et elle est revenue pour LIRE, dans chaque classe, sa prise de notes et ainsi tout dire aux enfants de l'organisation et de la manière dont ils verraient les animaux ce jour-là. Des activités d'observation et de DESSINS ont été menées sur plusieurs semaines avec des photos et des films, toujours avec énormément de langage bien sûr : nom de l'animal, du mâle, de la femelle, des petits, tailles, pelage et caractéristiques visuellement saisissables, positions debout, couché, en train de manger, en train d'allaiter, de couver… On a vu alors des évolutions des dessins (par exemple le nombre de pattes se stabilisaient en faisant une commande de dessin " sans aller chercher un modèle, pour savoir où vous en êtes sur les animaux ").
La sortie des enfants dans leur nouvelle cour de récréation - ferme a été un moment particulièrement émouvant : certains restaient sans voix, d'autres s'adressaient aux animaux comme à des amis, et surtout, surtout, nombre d'enfants mutiques depuis le début de la PS se sont mis à parler !! Les moyens et les grands, munis de papiers et crayons se sont mis ensuite à dessiner des animaux en les regardant. Les résultats ont été fabuleux : on reconnaissait, sans l'ombre d'une hésitation, chaque animal.
A la fin de la MS, plusieurs fillettes n'avaient plus qu'un rêve dans la vie : se marier avec Monsieur B.

Durant la troisième année, en grande section, de nouveaux récits-souvenirs ont été faits, ainsi que d'autres explorations au sujet d'animaux : préparation, sortie et exploitation de la sortie au un zoo et dans un cirque, documents sur les grands animaux marins à la suite de l'invention de la grande histoire, etc. Dans l'une des GS a eu lieu l'installation d'un élevage d'insectes et de très nombreuses découvertes de leur mode de vie : alimentation, reproduction, EN VRAI, sous les yeux des enfants, d'avril à juin cette année. Les enfants ont été passionnés, ont renouvelé leurs découvertes lors d'une classe verte. Ils étaient intarissables : " tu vois, c'est des coléoptères, ça c'est les œufs de coccinelle, tu touches pas la boîte pour pas qu'ils se décollent… ".

2°) Quelques évaluations et de nouvelles pistes

En juin de grande section, nous étions vraiment persuadés que ces enfants étaient imbattables sur la notion " d'animal ".
J'arrive dans la classe (qui possède toujours un lapin), m'extasie sur les insectes et, dans un atelier, je demande : " je voudrais savoir quelque chose, est-ce qu'il y a un animal ou des animaux dans votre classe ? ". La réponse se fait sans réfléchir : " ben non ! ". Un enfant ajoute même tout scandalisé : " oh ! un animal dans la classe !! ", d'un air de me dire que je dis n'importe quoi. En insistant, un seul enfant finit par dire : " bon, Sandrine elle dit que les insectes c'est des animaux, mais bon ! " et elle gonfle ses joues pour dire le peu de crédit qu'elle donne aux propos de la maîtresse. Ils ne " croient " pas que les insectes sont des animaux. Et si on leur demande " alors comment ça se fait que les vaches sont des animaux ? ", on a souvent une réponse "familiale " : " parce qu'elles ont des bébés et elles s'en occupent ".

C'est donc bien plus compliqué que ce que nous croyons.
A la suite d'autres entretiens avec les enfants, nous leur demandons de lister les animaux qu'ils connaissent. Nous rendons compte que, pour eux, les animaux sont essentiellement ceux de plus grande taille qu'eux ET qui ont un élevage proche du leur : les petits (insectes) sont exclus, les moyens (chiens et chats) très souvent oubliés, sinon cités en fin de liste, les gros mammifères sont cités et toujours en début de liste (vache, éléphant, mouton, cheval). Enfin, ni les oiseaux ni les poissons n'apparaissent dans les listes. Quand on leur demande si une crevette ou un crabe sont des animaux, la réponse est négative avec une grande certitude. Pour certains noms d'animaux, c'est la composante phonique qui induit du trouble : le " radis " est un animal parce qu'on entend " ra ".

On a donc encore bien du travail.

Une piste consiste à adopter le terme de " bêtes " à la place de celui d' " animaux ". On peut ainsi opposer " bête "à " personne ". On peut ainsi parler de " grosses bêtes " et de " petites bêtes " sans que ce soit faux scientifiquement.
Par ailleurs, en milieu urbain, et surtout en ZEP, une visite chez le poissonnier est fortement conseillée. Des documentaires filmiques aideraient assurément les enfants.
Enfin, et c'est sans doute le plus important, un collègue formateur de SVT nous dit que si nous avons bien travaillé les différences entre animaux observés, c'est-à-dire ce qui les caractérisait un à un, nous avons peut-être oublié l'essentiel: leurs points communs. En effet, c'est ce qu'ils ont en commun qui fait qu'ils appartiennent à la classe des animaux. Il nous faut donc reprendre ces suites d'activité en insistant, chaque fois qu'un nouvel animal est étudié, sur la question "qu'est-ce que ce X fait de pareil que le Y et le Z?" (et non "qu'est-ce qu'il a de pareil"). A ce niveau de la scolarité, on se contentera de dire que toutes ces bêtes se déplacent, mangent et ont des petits, c'est pour ça qu'on dit que ce sont des animaux. Cette définition provisoire est suffisante et vise bien à construire un début de concept. Et si jamais un enfant fait remarquer que les papas et les mamans aussi, se déplacent, mangent et ont des petits, tant mieux! Il faut répondre "oui, nous sommes des animaux mais des animaux particuliers qu'on appelle les humains parce qu'on a quelque chose que n'ont pas les bêtes, nous on parle et on réfléchit dans sa tête".