P comme... Petite Section

Domaine L : être bien à l'école
et utiliser le langage pour dire, comprendre, réfléchir
 
 
Voici un exemple de situation qui a donné lieu à un post-it de la part d'une maîtresse.

TOUTE PETITE SECTION - ZEP
 

Pour son mémoire professionnel, Stéphanie a relevé des moments de classe dont elle pense, après analyse, qu'ils sont "plus ou moins bons". On entend par là qu'en tant que maîtresse de petite section elle s'est plus ou moins bien "calée" sur les représentations de ses jeunes élèves. Dans les deux exemples qui suivent, on voit l'incompréhension de la maîtresse face aux propos d'Adam: il trouve que la balançoire de Petit Ours est cassée. En fait c'est une interprétation du dessin sur lequel la main de Petit Ours cache la corde de la balançoire.
Dans le cas de la séance "pompons", au contraire, la maîtresse sait prendre en compte le bonheur de Chirine à toucher la douceur et elle en profite pour mettre en mots cette expérience. Pour cela, elle accepte d'abandonner provisoirement son objectif de maîtresse (coller).

 
Moment jugé " plutôt mauvais " : Petit Ours brun
Regroupement, M lit " Petit Ours brun fait de la balançoire ".
M1 - la balançoire est à moi ! dit Petit Ours Brun qui veut monter dessus. Non, elle est à moi ! répond sa cousine qui est entrain de se balancer ". A votre avis, que va faire Petit Ours Brun ?
Adam1 - i va monter dessus, pi va la pousser pa terre et PAF ! (geste de la main)
M2 - ah non Adam tu te trompes (reprend la lecture) j'ai une idée, et il grimpe debout sur le siège de la balançoire derrière sa cousine. Comme cela on peut tous les deux faire de la balançoire (montre l'illustration)
Adam2 - et elle est cassée la balançoire
M3 - pourquoi tu dis qu'elle est cassée la balançoire ? elle est pas cassée, où vois-tu qu'elle est cassée la balançoire? (tend le livre, Adam ne réagit pas) (M s'apprête à reprendre la lecture)
Adam3 - et PAF ! i vont tomber paqu'elle est cassée
M4 - mais non elle ne l'est pas
Karim1 - si, là elle est cassée (pointe illustration au niveau de la main de l'ourson)
Héloïse1 - oui l'est cassée maîtlesse
M5 - mais non (ton plutôt sec). Alors le petit ours/
Karim2 - paque i va tenir la corde pi après là (repointe) elle va casser, et ils vont se faire mal
M6 - moi je ne vois pas la balançoire cassée, tu inventes
Adam4 - oui mais après i vont tomber
M7 (continue sa lecture)
 
Moment jugé " plutôt bon " : le pompon
En atelier, construction de souris vertes avec des bouteilles.
M1 - Chirine, viens coller le nez de ta souris verte (qu'elle promène dans la classe)
M2 - viens me voir Chirine, regarde tu vas coller ça (montre sac de pompons) sur le bouchon de la bouteille pour faire le nez de ta souris !
(Chirine s'avance, s'assoit près de M et prend une poignée de pompons dans le sac)
M3 - non, tu en choisis un seul
Chirine1 - co ça ? (en a pris un et elle se frotte les joues, le nez, le front, la bouche avec le pompon)
M4 - c'est doux hein ?
Chirine2 - vi doux (continue à se frotter le visage avec)
M5 - maintenant tu mets de la colle dessus
Marie1 - maîtresse ! les oreilles elles tombent ! !
M6 - (se précipite vers Marie et Chirine met la colle sur le pompon pendant ce temps)
Chirine3 - a y est maîtesse
M7 - c'est bien ce que tu as fait. Tu peux mettre un peu plus de colle ?
(Chirine acquiesce, reprend de la colle, en dépose sur le pompon puis se frotte le visage avec le pompon encollé)
M8 - ah ah ah ! (rire) je crois que tu préfères jouer avec le pompon que terminer la souris. Tiens, prends en un.
Chirine4 - plein ?
M9 - si tu veux. Tu me fais sentir comme c'est doux ?
Chirine5 - vi ça doux (se caresse avec un pompon de la main droite et caresse le visage de M avec un autre pompon de la main gauche)
M10 - peut-être ça te fait penser à quelque chose
Chirine6 - à ma bouma pour dodo (nom de sa chouette en peluche)
M11 - oui elle est douce aussi

Dans le premier exemple, la maîtresse ne comprenant pas que les enfants perçoivent le dessin de balançoire comme un objet "cassé", elle laisse les laisse dans leur incompréhension et rejette leurs propositions.
Dans le second exemple, voyant l'intérêt cognitif et affectif de la manipulation des pompons pour Chirine, la même maîtresse sait abandonner son projet de collage pour donner libre cours à l'exploration de la petite.
Tous ces échanges sont langagiers au sens fort, c'est-à-dire à la croisée des représentations des uns et des autres.
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MERCI STEPHANIE !
 
Ce corpus est extrait de : "Nouvelles instructions sur le langage en maternelle, quelques pistes de réflexion", mémoire PE2 de Stéphanie Drosdziok, tuteur M.Brigaudiot, IUFM de Versailles, Centre d'Antony, 1999-2000.
 

LE MILIEU DE L'ANNEE EN PETITE SECTION

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En janvier-février, il faut absolument se poser la question des différenciations pédagogiques.

Qui, dans la classe, est agité, hors des activités, agressif, perdu, seul, mutique, malheureux, "ailleurs", etc...

Ces enfants-là sont prioritaires: leur accueil systématique du matin avec un album de leur choix est une urgence. Encore faut-il admettre qu'il s'agit d'un travail à long terme. Sans relacher ses efforts, sans oublier ce moment particulier, on voit parfois des changements après une durée d'un an et demi, dans la section suivante.

A titre d'exemple, voici des critères d'évaluation que se sont donnés des maîtres de ZEP qui ont participé à l'action Prog en Petite section :

1 - Langage: compréhension du langage oral qui leur est adressé
2 - Langage: prise de parole dans la classe
3 - Langage: emploi de "je"
4 - Vie psychique: jeux de faire-semblant
5 - Vie sociale: connaissance des enfants de la classe par leur prénom
6 - DNE: compréhension de la valeur de son prénom écrit
7 - DNE: simulacres d'écriture en production de signature

Les enfants qui ne montrent aucune de ces compétences en janvier-février sont considérés comme prioritaires.

Pour les enfants qui nous font encore plus de souci (comportements de nature autistique avec troubles de la communication, stéréotypes, comportements psychotiques avec "décrochage" du réel, mutisme complet dans la classe et ailleurs) il faut appeler au secours: psychologue solaire, directeur, médecin scolaire, quelqu'un accompagne le maître de la classe pour expliquer aux parents que leur enfant à quelque chose à DIRE et que quelqu'un, dont c'est le métier, doit l'entendre.

Dernière remarque, le milieu d'année est paradoxalement le moment où de nombreux maîtres se demandent "comment aller plus loin avec les enfants les plus avancés". Dans notre optique, cette question est à éviter. Consacrer du temps à une différenciation pour les enfants les plus performants reviendrait à creuser les écarts, et nous voulons l'inverse, c'est-à-dire travailler pour TOUS les enfants. Deux attitudes donc à distinguer:

- pour les enfants prioritaires, des actions, pour eux, et chaque jour,

- pour les plus performants des validations de leurs exploits, avec, en regard de ceux-ci, le langage de la maîtresse "moi, je te montre comment je fais, comment je sais faire". Car ces enfants vont réduire l'écart sans aucune difficulté et donc progresser avec seulement cet adulte accompagnateur.